Alors que le parlement italien débat de la question de savoir si l'Italie devrait officiellement reconnaître que la Chine est coupable du génocide de ses citoyens ouïghours, l'État chinois est copropriétaire des champions de la Serie A.
Pensons aux champions en titre de la Super League chinoise, Jiangsu FC, qui ne sont plus visibles depuis la nouvelle saison. Contrairement aux clubs ayant eu une saison moyenne, le Jiangsu a au moins une excuse. Les champions chinois n'existent plus, ayant été dissous par leurs propriétaires en Février et jugés comme un lourd fardeau, malgré un stade de 60000 places et les 63 ans d'histoire.
"Le club de football du Jiangsu cesse les activités de ses équipes", a annoncé un communiqué Suning Holdings, en remerciant les fans pour leur "solidarité".
La CSL est donc simplement entrée dans la nouvelle saison. Le Shandong Taishan de Marouane Fellaini est en tête du groupe 1. Marko Arnautovic a réussi un triplé le jour de l'ouverture et l'utilisera probablement bientôt comme levier pour un passage lucratif vers la Corée du Nord, Mars ou Atlantis. Oscar continue de contempler son contrat de 8 ans au Shanghai SIPG qui lui rapportera environ 100 M£: un footballeur menotté à son propre contrat insensé, mais s'y accrochant tout de même malgré le récent plafond salarial qui implique que ses coéquipiers locaux peuvent gagner au plus un dixième de son salaire.
Cependant, il faut dire que tout le monde n'est pas simplement passé à la liquidation des champions. Il y a eu des scènes gênantes sur les médias sociaux les semaines précédentes alors que Steven Zhang a célébré son scudetto fraîchement gagné, et a été accueilli avec la colère de la part des fans du Jiangsu qui croient que leur club a en fait été sacrifié sur l'autel des absurdes dettes de l'Inter.
C'est ici que cette histoire devient plus effrayante. Suning détient également 68% de l'Inter, un club donc confronté avec lui, les médias italiens ont rapporté un récent paiement non effectué à Manchester United sur le dossier Romelu Lukaku. Mais le Suning n'est pas le seul joueur ici, ni en aucun cas le plus puissant.
Personne ne semble avoir remarqué ou pris un réel intérêt, mais dès le début du mois de Mars, les opérations liées au gouvernement chinois ont acheté une participation de 23% dans le Suning.
Il est important de noter pourquoi cela s'est produit. Le Suning est en difficulté financière. Les nouveaux copropriétaires sont une branche industrielle de l'Etat. La Chine n'est pas intéressée à posséder l'Inter pour des raisons sportive ou de soft power. Mais le fait demeure, l'État chinois est copropriétaire de l'Inter. Un bras du gouvernement chinois est, d'un seul coup, la voix la plus imposante au conseil d'administration des champions de Serie A.
Il n'y a pas eu de véritable mention de ce fait ahurissant. Le football en a assez dans son assiette, bien que, compte tenu de la fureur suscitée par la perspective que le fonds souverain saoudien achète Newcastle, ou le statut de Manchester City en tant qu'outil de relations publiques de la famille dirigeante d'Abou Dhabi, on pourrait penser qu'il pourrait mériter une mention.
Cela peut encore arriver.
Dans une autre tournure, le parlement italien débat d'une motion sur la question de savoir si l'Italie devrait officiellement reconnaître que la Chine est coupable de génocide sur ses citoyens ouïghours, au lieu de "simplement" violer leurs droits humains. Et oui, c'est le football, un endroit où personne n'est vraiment propre, où des liens peuvent être trouvés liant chaque investisseur à un accord douteux, chaque gouvernement à une piste d'armement. Mais c'est quelque chose de plus.
En attendant cette résolution, le football italien est confronté à un scénario dans lequel son équipe championne, la vieille Royale Internazionale de Giuseppe Meazza, Sandro Mazzola, Ronaldo, Roy Hodgson, appartient en partie à ce que son gouvernement considère comme un régime génocidaire. Le même gouvernement qui fait disparaître les gens et fait taire toute dissidence, souscrit aux salaires d'Ashley Young.
L'Inter est déjà assez en désordre. Javier Zanetti a confirmé cette semaine que les finances du club avaient été brisées par la perte de sponsors et de revenus de billetteries. Les rapports suggèrent que les joueurs ont été invités à envisager un report de salaire.
Dans l'intervalle, la participation de facto et de pleine concurrence de la Chine dans l'Inter se trouve là, ses implications en grande partie non examinées. Si l'Italie décide qu'il s'agit d'un État génocidaire, comment sa Fédération de football soutiendra-elle cette situation? Sommes-nous censés écouter les prêches insensées de l'UEFA sur le racisme et les préjugés, tout en permettant à un club appartenant à un État qui gère des "camps de rééducation" de jouer dans sa première compétition?
Ce sont des questions théoriques, auxquelles nous connaissons la plupart des réponses. Nul doute que la bizarrerie de l'Inter passera bientôt avec la vente de la participation majoritaire du club. Ceux qui le savent disent que le PCC est fatigué depuis longtemps que les ambitions sportives de la Chine soient utilisées comme nourriture principale pour les requins affamés du football européen. Cette fuite des capitaux est rappelée à la maison.
En attendant, si ces contorsions nous disent quoi que ce soit, c'est qu'il n'y a jamais eu un besoin plus urgent de limiter et d'examiner exactement qui détient les actifs sportifs de notre communauté. Une chose sur laquelle les propriétaires minoritaires ultimes de l'Inter seraient d'accord: il est temps de réglementer un peu ce marché libre mondial sauvage.
Article traduit de "Why China investment in Inter brings urgent need to scrutinise owners" de Barney Ronay paru sur le site du Guardian le 14 Mai 2021.
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