Les Italiens et leurs sympathisants chantaient en 2006, après la victoire en Coupe du Monde face à la France, « 4 étoiles : 1934, 1938, 1982 et 2006 ! ». Cet article s’intéresse aux deux premières conquises dans un contexte particulier…
En effet, 1934 et 1938 sont respectivement les deuxième et troisième éditions du Mondial (l’Uruguay a gagné la première édition en 1930). Avant 1929, aucun Italien n’aurait prédit ces succès dans les années 30 car la politique sportive était contre le sport et privilégiait l’éducation physique. Cependant, le régime fasciste, soucieux de plaire à ses émigrés et de se faire une place dans le champ des relations internationales, change de stratégie à partir de 1929. Le sport sera dés à présent un outil de propagande et les sportifs sont les représentants du fascisme à travers le monde.
À l’occasion de la CDM 1934 qui se joue en Italie, de nombreux stades modernes sont construits, des joueurs étrangers sont naturalisés, la presse (la propagande comme ça s’appelait à l’époque) se développe pour relayer l’événement.
Vittorio Pozzo, le sélectionneur de la Squadra Azzura, présente son équipe comme un « peloton d’arditi (courageux) » qui a « la volonté absolue de vaincre et une totale obéissance à l’officier qui avait à charge de les conduire à la victoire ». Le vocabulaire guerrier est clairement apparent. Et pour cause, une victoire permettrait au dictateur Mussolini de légitimer la victoire de l’idéologie fasciste contre les autres idéologies. Le football était déjà devenu un véritable instrument de mesure de la force des pays, de l’efficacité des systèmes politiques et idéologiques qui se disputent le leadership dans le monde et auxquels les peuples s’identifient ou se réfèrent.
La CDM 1934 est remportée contre la Tchécoslovaquie (2-1). L’Italie confirme ce bon résultat en gagnant la médaille d'or olympique à Berlin en 1936 et une nouvelle Coupe du Monde de 1938 en France contre la Hongrie (4-2). Les journaux belges relatent des matchs très durs, avec des blessés à chaque rencontre. Les arbitres sont critiqués pour leurs décisions favorables aux Italiens.
Pour certains historiens, les Italiens sont invités à trouver des compensations symboliques à leurs salaires sous contrôle et à la perte des libertés dans les succès italiens aux Coupes du monde de football et aux Jeux olympiques de Berlin ainsi que dans les aventures coloniales survendues par les médias. Le 9 mai 1936, Mussolini annonce, du balcon du Palais Venezia, à Rome, la conquête de l'Ethiopie et proclame la naissance du nouvel « Empire romain ». Mais les Italiens ne savent pas que, pour l'emporter, leurs troupes ont utilisé des armes chimiques et bactériologiques.
Cet article ne vise à pas retirer le prestige et le mérite des Italiens qui sont, dans les années 1930, de très grands athlètes. Cet article vise à nuancer ces succès et les replacer dans leur contexte international. À titre d’exemples, l’Uruguay ne participera à la CDM 1934 car l’Italie avait refusé de participer à la CDM 1930 en Uruguay. L’Angleterre ne participera pas aux CDM 1934 et 1938, alors qu’elle est réputée être excellente : elle battra l’Italie dans un match amical en 1935 à Londres.
Dans la fin des années 1930, l’importance du sport s’affaiblit. Les activités « sportives » sont dorénavant militarisées. Au championnat du monde universitaire de Vienne en 1939, un parcours de guerre est introduit, la Seconde Guerre mondiale est imminente.
Si vous désirez aller plus loin, quelques références :
- Livre de BONIFACE Pascal « Géopolitique du sport » (2014) ;
- Article de VIGARELLO Georges « Les premières Coupes du monde ou l’installation du sport moderne », (revue Vingtième Siècle, revue d’histoire, 1990) ;
- Article de NTONFO André « Football et Identité », (revue Présence africaine, 1998)
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