©Corriere della Sera (Scan par Nathy)
Berlin – Si nous avions donné raison au sénateur Roberto Salerno, nous ne serions pas champions du monde. "Il doit exister un style de la Nazionale. Surtout, si l’on voulait donner un exemple aux enfants. Materazzi ne mérite pas d’être convoqué. Un vrai champion sait éviter des comportements incorrects et violents comme celui démontré envers Ibrahimovic" dit encore le sénateur après la faute qui, mi-octobre passé, avait contraint à la sortie le Suédois de la Juve. "Mais depuis la tribune on avait même pas l’impression qu’il y avait faute ! Materazzi n’est pas un criminel, c’est un passionné ; et pour cela il mérite le maillot Azzurro" le défend Ignazio La Russa, député de Salerno mais avant tout intériste. Quant à lui, Marco Materazzi explique que "Ibrahimovic est un joueur dur et je ne me dégonfle pas. On joue au foot, on ne fait pas de la danse classique. Je suis dur, pas méchant. Et je ne suis pas un provocateur."
Qu’a-t-il donc dit pour provoquer la réaction de Zidane ? Les voix qui filtrent du clan français – "il a vexé l’Islam", "il a insulté les musulmans", "il l’a traité de terroriste" - surévaluent peut-être les propos du défenseur azzurro. Il est vrai que Materazzi a la réputation (certes injuste) d’être un fin provocateur, capable de toucher l’adversaire dans ce qu’il a de plus cher, des origines à la virilité ; mais le caricaturer en soldat de la 4ème Guerre Mondiale, croisé d’Occident, partisan du combat civil est probablement excessif. C’est plus simple de penser qu’il ait dit une insulte traditionnelle à Zidane. Peut-être le même genre d’insulte que Materazzi reçoit de manière particulière.
"Je ne supporte pas qu’on s’en prenne à ma famille. J’ai le nom de ma femme, Daniela, tatoué sur le cœur en caractères gothiques, et ceux de mes fils Davide et Gianmario sur les bras, ainsi que ma date de naissance. Ma fille, je l’ai appelée Anna, comme ma mère. Elle est décédée quand j’avais 15 ans. Et pour cela, je ne tolère pas que les supporters ou joueurs offensent sa mémoire. Ils ne me connaissent pas, ils ne savent même pas que maman n’est plus de ce monde et ils l’insultent. C’est juste de critiquer ceux qui font «bouuuuh» aux noirs. Mais pour quoi est-ce qu’envers moi tout est permis ?"
Parfois il se prend des coups, comme quand Shevchenko lui met un coup de tête à la Zidane (en quarts de finale de Ligue des Champions), sans que personne ne bouge le petit doigt et que l’arbitre expulse le coupable. Plus souvent, il les donne. Comme à Siena. Convalescent suite à une blessure, Materazzi discute sur le bord du terrain avec le défenseur adverse Cirillo. Qui commet l’erreur de s’enfoncer avec des propos sur la dame Anna. "Je t’attends dans les vestiaires" dit Materazzi en montrant les crocs. Dans le tunnel qui mène aux vestiaires, Cirillo se retrouve KO. Mazzone, un de ses maîtres, appelle Marco sur son portable. "Quand j’ai vu le nom s’afficher sur l’écran, je ne l’ai pas laissé parler. J’ai décroché et ai commencé à dire «pardon coach, pardon, pardon, pardon». Au début il m’a engueulé. Puis il s’est mis à rire : «Allez c’est bon, personne n’a le droit de toucher à nos mères»". Le juge Laudi le définit comme "socialement dangereux". "Je lui ai téléphoné et il m’a dit qu’il n’avait pas voulu me faire passer pour un fou mais seulement se référer à un cas particulier." Deux mois de suspension. "Le dernier jour, je me suis réveillé, je me suis assis sur mon lit et j’ai hurlé : liiiiiiiibreeeee ! Comme ça, comme un prisonnier."
La grinta, les tonneaux, les insultes, les tatouages ("le plus grand est celui sur ma poitrine : un indien au regard énervé"). Aussi, racontent les Azzurri, non seulement Materazzi n’est pas un délinquant, mais hors du terrain il est sympathique. Compagnon de blagues de Gattuso ("Marco est le parrain et moi le filleul, gare à ce lui qui le touche" répond Rino à un journaliste avant un derby). Héros de la finale de Berlin – un pénalty provoqué, un but de la tête, un but presque marqué, un presque auto-goal, Zidane expulsé, un pénalty transformé -, comme Fabio Grosso. Les deux sont liés par un destin commun : les 2 ont été soustraits de la Serie C et amenés en Nazionale par Gaucci.
Le fugitif – à Saint-Domingue – du football italien est la vraie antichambre des champions du monde. "Je lui dois beaucoup. Je lui suis très reconnaissant, envers lui et sa famille" a dit Materazzi dans le passé. "Gaucci m’a amené à Perugia, il a cru en moi et m’a permis de faire mes débuts en Serie A". Le père, Giuseppe, entraîneur, le voulait loin du monde du football et l’a fait débuter par le basket. En plus de désobéir, à 6 ans il faisait le juge de ligne. Né à Lecce, formé en Sicile : Messina, Marsala, Trapani. "A Trapani je gagnais 25 millions [d’anciennes lires italiennes, monnaie très faible] par année. L’entraîneur Arcoleo me faisait rester sur le terrain jusqu’à ce qu’il fasse nuit, à la lumière d’un lampadaire de 60 watts, et il me faisait tirer, tirer, tirer. Encore 6 mois et tu seras prêt, me disait-il." Six mois plus tard, Novellino l’appelle à Perugia. Mais après, Galeone est arrivé. "Il m’a tout de suite dit : entre moi et ton père, il n’y a pas une bonne relation. Puis il m’a fait vendre au Carpi." S’ensuit un an d’émigration à Everton, l’autre équipe de Liverpool. A nouveau Perugia et enfin l’Inter, à qui il est attaché au point de porter une chaussure noire et une autre bleue. Dans un mois il fêtera ses 33 ans. Les derniers affrontements avec Shevchenko et Ibrahimovic ont été comme à leur habitude : vieilles questions, fautes commises et subies, un coup au suédois porté à l’estomac qui l’a fait vomir sur le terrain. Une fois les milanistes ont provoqué Materazzi, alors qu’il repérait le terrain, en costard-cravate, sous la Fosse de San Siro, le pas lent, la tête haute, ambiance de défi. Les intéristes deviendront fous. "Chaque fois je promets à ma femme de me calmer. Je l’aime depuis 10 ans et jamais je ne l’ai trompée. Avant de la connaître il m’est arrivé de me saoûler, de me fracasser en voiture. Maintenant, je vais me coucher à 22h30. Si je fais encore une fois le fou sur le terrain, Daniela me foutra dehors de la maison." Si Zidane avait eu une femme comme ça, ce soir [lundi soir] nous ne serions pas au Circo Massimo ou ailleurs entrain de faire la fête
Article original par Aldo Cazullo
Traduction par Nathy
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